Peter Dachert, alias Peter Principle, naît le 5 décembre 1954 à New-York. Il choisit par dérision l’appelation du Principe de Pierre, « Peter Principle » en anglais, du nom d’une étude menée par des étudiants sur l’avancement hiérarchique au sein d’une société, et dont la conclusion est que tout employé ne peut s’élever au maximum qu’à son niveau d’incompétence.
Bassiste de formation, c’est en 1977 qu’il rejoint Steven Brown et Blaine Reininger pour former le groupe Tuxedomoon. En 1979, ils signent sur Ralph records pour la sortie de leur premier album.
I – Les albums
Difficile de décrire la musique de Tuxedomoon. Peut-être que justement le titre de ce premier opus, « Half mute », soit « à moitié muet », est révélateur de leur souci de faire quelque chose de différent, à cheval entre différents genres. Le mélange de violon, saxophone, basse, percussions électroniques et synthétiseurs donne un son unique au groupe, entre new-wave et expérimental. En tout cas, c’est une réussite.
Steven Brown : « Il y a tant de choses à faire avec la musique ! Et il y a juste un morceau sur cinquante millions, tous identiques, qui soit original. Tout le monde fait la même chose, pourquoi ? Pour la circonstance, Blaine et moi, nous avons commencé à faire des concerts avec simplement du piano et du violon, rien que des instruments acoustiques.«

En 1980, leur tournée les amène en Europe, et plus particulièrement en Hollande et en Belgique. C’est ce dernier pays qu’ils vont choisir pour s’installer durablement, étant donné le succès qu’ils y rencontrent. 1981 voit la sortie de leur second album : « Desire », produit par Gareth Jones qui travaillera plus tard avec Depeche Mode et Einsturzende Neubauten entre autres. « Desire » mélange à nouveau compositions électro et acoustiques, instrumentaux et chansons. On est balloté tendrement entre les deux, et c’est un régal de se sentir porté par leur musique non conventionnelle.
1981, c’est aussi l’année de leur collaboration avec le chorégraphe Maurice Béjart pour son ballet « Divine » qui se veut un hommage à Greta Garbo. Les différents titres sont disparates, ce qui nuit à l’unité de l’album du même nom que le ballet. Tantôt parlé, tantôt chanté, parfois uniquement instrumental, on ne sait sur quel pied danser. Mais chaque morceau pris individuellement a le potentiel pour nous transporter ailleurs.
Steve Brown : « Maurice avait déjà utilisé des morceaux de « Half-mute » dans un de ses précédents ballets. Lorsqu’il apprit que nous étions à Bruxelles, il est venu nous voir et nous a donné carte blanche pour composer la musique originale de son nouveau ballet. Sept morceaux que nous arrangerions à notre guise.«

« Holy wars », sort en 1985, et s’ouvre sur le superbe « The waltz », un titre qui nous plonge dans les films noirs des années 50, grâce à sa trompette lente et majestueuse. Figure également « In a manner of speaking » qui sera repris plus tard par Martin Gore de Depeche Mode, sur son album « Counterfeit ». Il y a davantage de chant, avec des textes parfois confus, mais toujours sombres à l’image de « St John » :
Je vis mais je ne vis pas
J’attends que la vie passe
Cette vie que je vis seul, je la vois
Comme un détournement de vie
Et donc c’est une mort constante
Sans aucune issue du tout
1986, c’est l’année de sortie de « Ship of fools », sous-titré « Concert at home for your dreaming and dancing pleasure ». Et effectivement beaucoup de styles se mélangent, pour le meilleur : le calme et classique « Atlantis » s’oppose à l’EBM de « Break the rules ». Et en face B, rebelote, « A piano solo » la débute, le titre illustrant tout à fait la musique, tandis que la fin est beaucoup plus jazzy avec la version live de « The Train » et sa clarinette subtilement mise en avant.

L’année suivante voit la parution de « You ». On retrouve « The train », cette fois-ci dans sa version studio. Le titre « Boxman » est décomposé en 3 chansons différentes et parsèment l’album : elles sont dédiées à l’auteur kafkaien Kobo Abe. Ca nous raconte l’histoire d’un homme qui rencontre une boîte, et y vit désormais dedans… Les 3 titres sont assez effrayants et sont une grande réussite, malheureusement trop courts.
C’est en 1989 que sort le premier album live du groupe : « Ten years in one night ». Le titre est mensonger, puisqu’en fait d’une « one night », il s’agit de plusieurs concerts enregistrés entre 1985 et 1988, en Hollande, Allemagne, Italie et au Japon. Ca n’empêche pas que les prises de sons sont majoritairement bonnes, même si le son du public est souvent absent, et que le concert en Allemagne pêche un peu par un manque de dynamisme sonore.
L’édition italienne de « Ten years in one night », à la pochette différente de l’édition hollandaise :

L’intérieur de la pochette ouvrante de « Ten years in one night » :

En 1991, le groupe réalise « The ghost sonata » qui est un projet ambitieux de 6 shows audio-visuels. A partir d’enregistrements datant de 1982, il est réalisé un tout nouveau spectacle, basé sur de la musique classique jouée par un orchestre alors qu’est diffusée simultanément une vidéo. Mais, de l’aveu de Peter, ça se passe mal au niveau de la coordination de l’ensemble. Il en résulte néanmoins ce disque et un DVD qui sortira des années plus tard. Le résultat est pourtant là : une musique prenante, sombre et intense, même si parfois un peu académique.
Ce sera leur dernier projet, car le groupe va par la suite se dissoudre, pour se reformer beaucoup plus tard, en 2004. Mais c’est une autre histoire…

