Préambule : ici, on va parler du groupe canadien Psyche, et non de la musique psychédélique ! Désolé pour ceux qui auront fait la confusion.
L’histoire du groupe est mouvementée : Stephen Huss ne participe pour différentes raisons qu’à une partie de leur discographie, sort sous son nom différents albums, et puis le groupe est à géométrie variable. Beaucoup de disques ne sortent qu’en CD, voire même qu’en fichiers dématérialisés.
Je ne vais donc vous présenter que ce qui est sorti en vinyls, aussi bien les albums que les maxis 45 tours, puisque j’ai une collection complète à ce jour.
Psyche, c’est tout d’abord l’histoire de 2 frères : Stephen Huss et Darrin Huss, qui fondent en 1981 le groupe. Ils ont à l’époque respectivement 14 et 16 ans ! Musicalement et scéniquement, ils s’inspirent entre autres de Fad Gadget. Darrin est au chant, Stephen au clavier. Très tôt, ils vont quitter leur Canada natal pour s’installer en Europe, en France et en Allemagne entre autres, où leur musique new-wave a plus de succès.
Darrin Huss : « On était le seul groupe synth de la région. Alberta est comme le Texas du Canada. Les cowboys n’aimaient pas la new wave ou la synth. Les seules personnes qui aimaient notre travail étaient aussi des fans de musique provenant du Royaume-Uni, comme Cabaret Voltaire et Throbbing Gristle. Aussi, la partie française du Canada, Montréal et Québec, était plus progressive et c’est ce qui nous a servi de tremplin pour l’Europe.«
I – Les albums de Psyche
En 1985, Psyche signe chez New Rose pour l’enregistrement de leur tout premier disque intitulé « Insomnia theatre ». Pour la France, c’est un double maxi 45 tours qui va sortir. Très électronique, avec une boîte à rythmes omniprésente, un chant juste et posé façon Marc Almond mais avec moins d’emphase, l’album est une réussite.
Les textes qui sont écrits par un comparse, Evan Panic, sont sombres et complexes. Anthony Red compose la musique. La production manque parfois de peaufinage, mais ça rend l’album plus brut et direct pour la bonne cause.
Extrait, traduit en français, de « Children carry knives » :
Tout est clair quand les bébés pleurent
Et les enfants portent des couteaux
Et tu cries et hurles
À la progéniture violente
Mais c’est une tentative superficielle pour donner un sens
Quand tu vis avec une intention sadique
Notre défense est notre destruction
Et nos lois pour la protection
Sont parfois suffisants pour tuer
La frustration monte avec tout

L’année suivante voit la sortie de « Unveiling the secret ». La recette est la même, avec toujours Evan à la rédaction des paroles, Anthony à l’écriture musicale, Darrin au chant, Stephen au clavier. L’album est donc une suite logique du premier, même s’il est un peu plus lisse. Il a davantage de succès, notamment car plusieurs singles en seront issus, dont leur premier hit « The saint became a lush ».
Darrin Huss : « Unveiling The Secret est considéré comme un nouveau standard en matière de définition du son de Psyche. Sur un seul album, on avait de l’EBM, de la techno précoce et même une ballade synthpop ».
Il est à noter que pour promouvoir l’album, Psyche va faire l’ouverture d’un concert de Suicide à l’Elysée Montmartre puis entamer une tournée européenne durant laquelle aucun titre de « Insomnia theatre » ne sera joué, car ils n’aiment pas l’album ! Mais ça changera par la suite…
En 1988 paraît « Mystery hotel », accompagné pour certaines éditions d’un maxi en concert. Comme les précédents albums, le disque est enregistré à Paris et distribué par New Rose. Le changement important, c’est que désormais les textes sont écrits par Darrin. Ils sont plutôt simplistes, parfois un brin obscures, et souvent pessimistes, et évoquent majoritairement le monde de la nuit. Les chansons rythmées, sont plus pop, avec le chant de Darrin qui gagne en maturité. Il y a une réelle évolution par rapport à leurs débuts.
Darrin Huss : « C’était une progression naturelle, car on continuait à perfectionner notre son et on ne voulait pas répéter ce qu’on avait déjà fait. […] Pour Mystery Hotel, le redoutable Yamaha DX7 était aussi de la partie ainsi que le Fairlight qui se trouvait dans le studio de Dan Lacksman (Telex) pour cette session. Certains ont dit qu’on avait « changé de façon trop drastique », mais on pensait qu’on perfectionnait notre répertoire et qu’on définissait nos limites. Dans Mystery Hotel on trouvait de tout : synth funk, psychédélique, dark wave, synth pop, et même la chanson pop « Eternal », mais c’était encore du pur Psyche. »
A droite, le cadeau bonus dans les éditions de certains pays dont la France et l’Allemagne, un maxi en concert :

Le maxi ne comprend que 5 titres en concert, et on regrette qu’il n’y en ait pas plus ! La prise de son est excellente, et les titres joués gagnent en puissance. Mention particulière à la face A avec les 2 singles extraits du 2ème album : « Prisoner to desire » et « Unveiling the secret ».
En 1988, Psyche enregistre pour la radio canadienne CBC qui diffuse le programme « Brave new waves », des titres déjà sortis dans des versions différentes, ainsi que des chansons inédites. Pour l’occasion, Darrin est accompagné au synthé par Eric Klaver, et non pas son frère. Stephen a été diagnostiqué comme malade mentalement : il est schizophrène. C’est la fin de la scène pour lui, même s’il va continuer à composer.
L’ensemble de l’album est plutôt calme et minimaliste, avec des notes de piano qui égaient un climat parfois pesant. C’est un peu déconcertant à l’écoute, mais très agréable.
Darrin Huss : « Brave New Waves a été un gros événement au Canada et a inspiré plus d’un musicien, car on pouvait écouter de la musique alternative du monde entier. C’est là que j’ai entendu Anne Clark, Ministry, Tuxedomoon, etc. pour la première fois. […] À part « Unveiling The Secret », toutes les chansons ont été écrites et improvisées par Eric Klaver et moi-même, avec la participation de Kevin Komoda (Rational Youth). […] Ce qu’on peut écouter sur Brave New Waves a seulement été enregistré pour cette session et montre une gamme d’idées représentant un intermède musical dans le répertoire de Psyche. »
Le pressage canadien qui ne sort qu’en 2018, en vinyl couleur limité à 200 exemplaires :

L’insert inclus dans la pochette :

1989 voit la sortie de « The influence », leur 4ème album. Stephen Huss est remplacé par David Kristian. C’est le début pour Darrin d’être accompagné de différents claviéristes. La musique et les paroles sont beaucoup plus sombres. Avec cet album, Psyche touche un nouveau public, davantage ancré dans la darkwave. Personnellement, j’aime beaucoup le titre « Twilight ».
Extrait de « The sundial » :
Dormir seul la nuit
Dans une maison vide
Personne ne peut entendre ton soupir solitaire
Les murs sont larges et claustrophobes
Où iras-tu?
Pour noyer tes chagrins
Darrin Huss : « C’était le premier album que j’ai composé sans mon frère quand on a diagnostiqué sa schizophrénie. Je n’arrivais pas à décider du futur de Psyche. Tout l’album a été fait avec le sampler Casio FZ1 de David Kristian. Même si on retrouve des sons de synthé basse sur l’album, tout a été créé par lui. Il nous a fallu de la chance et du courage pour faire cet album. L’album est sombre, car, même si je n’avais que 24 ans à l’époque, je me sentais comme un vieil homme qui avait connu beaucoup de peine et de chagrin. C’est un album très émotionnel.«

En 1991, Darrin qui vit alors en Allemagne, retourne à Waterloo au Canada, pour enregistrer partiellement « Daydream avenue » avec son frère. Richard Blohm complétera par la suite les arrangements. Encore un changement de style pour le groupe, avec des titres plus rythmés, limite techno. On oscille entre ballades, comme le très beau « Destiny », et morceaux qui tapent bien, tel que l’excellent « Angel lies sleeping ».
En 2010, en CD puis en 2014 en vinyl, sort un disque qui n’a jamais vu le jour, alors que les bandes datent de mars 1983 ! Intitulé « Re-membering Dwayne », l’opus reprend des sessions enregistrées par les 2 frères plus un 3ème comparse au synthé, Dwayne. Il fait partie de mes albums préférés du groupe. La musique est tantôt expérimentale, tantôt très speed, puis plus lente. Seulement 8 titres, dont 2 dans des versions différentes. Ca fait peu, mais c’est comme un chocolat qui fond dans la bouche, on s’en délecte !
Un livret raconte les débuts difficiles de Psyche : Darrin qui chante nu sur scène, couvert de crème chantilly, les reprises qu’ils font notamment de Soft Cell, l’accueil du public selon les différentes salles de concert… tout cela agrémenté de quelques photos de l’époque. Le 5 avril 1983, pour cause de divergences musicales, Dwayne quitte définitivement le groupe. Ca aura été un feu de paille, mais ce qu’il en a subsisté est excellent.
Dwayne décède à l’âge de 31 ans, le 23 août 1995. Cet album lui rend donc hommage.
L’édition US accompagnée de son livret façon fanzine :

En 2021, un album initialement paru qu’en CD en 1994, fait l’objet d’une édition en vinyl. Il s’agit de « Intimacy », qui réunit à nouveau les 2 frères. Ca sera la dernière participation de Stephen à un disque de Psyche. C’est un album sombre, calme et homogène, avec pas mal de notes de piano, et un rythme mid-tempo sur lequel la voix de Darrin se pose avec justesse. Une belle réussite !
Extrait de « Solitude » :
Maintenant la nuit semble froide
Et je sais qu’il y a quelque chose qui ne va pas
Je me sens à nouveau incertain
Où autrefois je me sentais si calme
Et je ne peux pas comprendre cette violence
Qui hurle dans ma tête
Comme marcher dans un champ de mines avec toi
Cette cage de solitude
Comment as-tu pu m’enfermer ?
L’unique édition en vinyl gris, limitée à 250 exemplaires :

